Un riverain s’oppose à mon projet d’urbanisme : que faire ?

Mon projet d’urbanisme suscite l’opposition de riverains en Région wallonne : qu’est-ce que cela implique ? Quels sont mes droits et comment défendre mon permis d’urbanisme ?

De nombreux actes et travaux, même de faibles ampleurs, nécessitent l’obtention préalable d’un permis d’urbanisme. C’est ainsi le cas pour la construction d’une annexe, la rénovation d’une habitation ou encore la création d’un nouveau logement.

Une fois la demande de permis introduite ou même le permis d’urbanisme octroyé, il n’est pas rare que des riverains expriment leur opposition, que ce soit via une réclamation lors de l’enquête publique ou par un recours devant le Conseil d’État ou le juge judiciaire.

Dans cet article, nous proposons de faire le point brièvement sur les réflexes à adopter et les moyens d’action à disposition du porteur de projet face aux objections ou recours.

I. L’élaboration du projet

Dès la conception du projet urbanistique pour lequel un permis d’urbanisme est sollicité, il ne faut pas négliger les éventuelles contraintes et nuisances pour le voisinage engendrées par le projet. En fonction de son ampleur, il peut être judicieux d’évaluer l’impact sur le voisinage et, éventuellement, anticiper les critiques éventuelles à cet égard.

Le cas échéant, dans le dossier de demande de permis, il peut être opportun d’apporter une attention particulière aux éléments permettant l’intégration du projet dans son contexte bâti et non bâti.

II. L’instruction de la demande de permis

Les mesures de publicité et réclamations

En fonction des spécificités du projet, celui-ci peut être soumis à une enquête publique ou une annonce de projet.

Il s’agit d’une consultation du public permettant aux citoyens de formuler leurs avis (observations ou objections) sur un projet (positifs ou négatifs) et d’éclairer l’autorité compétente amenée à se prononcer sur la demande de permis qui lui est soumise.

Dans ce cadre, les riverains peuvent communiquer à l’autorité compétente une réclamation (un courrier contenant l’ensemble de leurs observations).

L’autorité doit-elle suivre les réclamations des riverains ?

Les réclamations, et les remarques qu’elles contiennent, ne sont pas contraignantes à l’égard de l’autorité compétente pour statuer sur la demande de permis. Elles constituent toutefois un élément que l’autorité doit prendre en compte dans le cadre de sa décision et au regard desquelles celle-ci doit être motivée.

L'autorité compétente ne doit pas, en règle, répondre à toutes les objections qui ont été émises au cours de la procédure d’instruction de la demande de permis d'urbanisme. Toutefois, lorsque, lors d'une enquête publique ou d'une annonce de projet, des observations précises, exactes et pertinentes ont été formulées, la motivation du permis doit permettre de comprendre les raisons pour lesquelles l'autorité passe outre, au moins partiellement, ces observations.

À cet égard, la décision doit indiquer clairement les motifs liés au bon aménagement des lieux sur lesquels elle se fonde et le réclamant doit pouvoir y trouver, fût-ce implicitement, les raisons du rejet de sa réclamation.

Autrement dit, la motivation du permis d’urbanisme doit permettre de comprendre que les réclamations ont dûment été prises en considération.

Que peut faire le porteur de projet ?

Le demandeur de permis, de son côté, peut rester attentif à l’instruction de son dossier de demande de permis et prendre contact avec l’autorité afin de suivre l’évolution. Il peut ainsi prendre connaissance des réclamations introduites et, le cas échéant, apporter d’éventuelles réponses ou compléments à son dossier afin de clarifier certains aspects.

Modification de la demande de permis en cours de procédure

Si cela s’avère nécessaire, le demandeur de permis peut, d'initiative ou à la demande de l'autorité compétente, produire des plans modificatifs ou un complément de notice d'évaluation des incidences ou d'étude d'incidences.

Exemples de modification du projet : réduction du gabarit ou de la hauteur du bâtiment, modification d’implantation, amélioration de l’intégration paysagère, ajout d’éléments permettant d’atténuer les éventuelles nuisances

La décision de produire des plans modificatifs doit être transmise par envoi à l'autorité compétente, au plus tard, 10 jours avant l'échéance du délai dans lequel elle doit envoyer sa décision.

Les délais d’instruction seront alors suspendus jusqu’au dépôt des plans modificatifs ou compléments et au maximum pendant 180 jours.

Notons que ces modifications apparaissent généralement plus judicieuses après avoir pris connaissance des différentes réclamations (et des avis qui seraient émis dans le cadre de l’instruction du dossier de demande de permis) afin de prendre en compte les observations, le cas échéant pour s’y adapter et ainsi favoriser un octroi du permis.

L’autorité compétente peut – voire dans certains cas, doit – soumettre les plans modificatifs et compléments à de nouvelles mesures de publicité et à l'avis des services ou commissions qui ont été consultés précédemment au cours de la procédure.

III. Les risques de recours

En cas de divergence de points de vue entre le demandeur du permis, qui veut voir son projet se réaliser, et les riverains, qui s’y opposeraient, il est probable que la décision ne satisfasse pas tout le monde. Des voies de recours sont prévues à cet effet, permettant à chacun de faire valoir ses droits :

  • en cas de refus du permis (suite à des réclamations ou non) —> le demandeur peut introduire un recours auprès du Gouvernement wallon

  • en cas d’octroi du permis —> les riverains disposent de la possibilité d’introduire un recours soit devant le Conseil d’État (en vue de demander l’annulation du permis), soit devant les cours et tribunaux (en vue d’obtenir la réparation d’un préjudice lié à la mise en œuvre du permis).

Recours auprès du Gouvernement wallon

La législation wallonne prévoit un recours administratif organisé contre une décision de refus au bénéfice du demandeur d’un permis d’urbanisme : il s’agit du recours auprès du Gouvernement wallon, tel que prévu à l’article D.IV.63 du Code du Développement Territorial (CoDT).

Objet : Ce recours permet au demandeur de contester une décision de refus prise en première instance par l’autorité compétente (la commune ou, dans certains cas, le Fonctionnaire délégué).

Il s’agit d’un recours en réformation, ce qui signifie que le Gouvernement wallon ne se limite pas à vérifier la légalité de la décision contestée, mais procède à un réexamen complet du dossier et peut rendre une nouvelle décision, qui se substitue à celle initialement adoptée.

Procédure : Le recours doit être introduit dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la décision de refus, ou de l’expiration du délai d’instruction en cas de décision implicite (silence de l’autorité).

Le dossier de recours doit notamment comprendre :

  • une copie de la décision contestée

  • quatre exemplaires des plans de la demande de permis

  • le formulaire de recours complété et signé.

Effets : Le Gouvernement wallon statue sur le fond du dossier. Il peut donc :

  • confirmer le refus initial

  • accorder le permis, le cas échéant sous certaines conditions.

Ce recours constitue ainsi un véritable deuxième examen de la demande, susceptible de conduire à l’obtention du permis malgré un premier refus.

Recours devant le Conseil d’Etat

Après la délivrance du permis (en première instance ou à la suite d’un recours introduit auprès du Gouvernement wallon), un recours peut être introduit devant le Conseil d’État par un tiers, tel un riverain mécontent. Le Conseil d’État est la plus haute juridiction administrative qui peut être saisie pour contester la légalité d’un permis d’urbanisme délivré par une autorité communale ou régionale.

Le recours devant le Conseil d’État peut permettre d’obtenir l’annulation du permis d’urbanisme et constitue ainsi la voie « naturelle » pour empêcher la réalisation d’un projet de construction.

Portée du recours

Le Conseil d’Etat est uniquement compétent pour juger de la légalité de la décision, et ne se prononce pas sur l’opportunité du projet.

Ceci signifie que, dans la plupart des cas, l’annulation de la décision par le Conseil d’Etat n’empêche pas une nouvelle décision sur la demande de permis ou l’introduction d’une nouvelle demande, pour autant que l’illégalité constatée soit corrigée.

L’introduction d’un recours en annulation n’a pas d’effet suspensif, de sorte que le permis d’urbanisme peut être mis en œuvre (sauf si le recours est complété par une demande de suspension, et que le Conseil d’Etat y fait droit).

Notons que si le demandeur met en œuvre son permis d’urbanisme, c’est-à-dire commence les travaux, il le fera à ses risques et périls si le permis est annulé ultérieurement. En effet, si le permis est annulé par le Conseil d’Etat, cette annulation opère avec effet rétroactif. Cela signifie que si les travaux ont déjà été réalisés, ils ne seront plus couverts par un permis et seront donc irréguliers.

Intervention du porteur de projet

En tant que partie intéressée, le bénéficiaire du permis d’urbanisme attaqué est informé par le Conseil d’Etat lorsqu’un recours est introduit à l’encontre de son permis d’urbanisme. S’il le souhaite, il peut introduire une requête en intervention. Cela lui permettra de défendre, aux côtés de l’autorité ayant adopté la décision, la légalité de son permis d’urbanisme.

La requête en intervention doit être introduite dans un délai de 60 jours à partir de la notification du recours par le greffe du Conseil d’Etat.

Les règles de procédure sont fixées par les lois coordonnées sur le Conseil d’Etat ainsi que l’arrêté du régent déterminant la procédure. Un vademecum simplifié, à destination des citoyens, est disponible sur le site du Conseil d’Etat.

Procédure devant le Juge judiciaire

Lorsque le projet entraîne des nuisances, le riverain peut dans certains cas être envisager la voie judiciaire, notamment lorsque le projet engendre des troubles de voisinage, une atteinte à ses droits subjectifs ou son droit de propriété.

Exemple : la mise en œuvre d’un permis d’urbanisme porte atteinte à une servitude, qui n’a pas été prise en compte par l’autorité lorsqu’elle a examiné la demande de permis

La procédure est dirigée à l’encontre du bénéficiaire du permis d’urbanisme. Si la procédure devant le juge judiciaire ne permet pas d’annuler le permis d’urbanisme, le juge pourra tout de même se prononcer sur la légalité du permis et éventuellement :

  • prononcer l’arrêt des travaux (éventuellement à titre de mesure provisoire en attendant l’issue au fond ou l’arrêt d’annulation du Conseil d’Etat) 

  • ordonner une réparation ou autres mesures compensatoires, telle qu’une indemnisation


Conseils pratiques

Face aux risques d'opposition ou de recours, une démarche proactive est essentielle.

L’évaluation de l’impact du projet sur le voisinage dès sa conception permet d’anticiper les critiques et de l’adapter en conséquence (gabarit, implantation, matériaux, etc.). Un dossier de demande de permis doit être soigneusement préparé, en illustrant par exemple l’intégration du projet dans son environnement et les mesures prises pour limiter les nuisances. Pendant l’instruction de la demande de permis, un suivi attentif du dossier s’avère indispensable. En cas de recours, une réaction s’impose : l’assistance d’un avocat peut s’avérer utile et une intervention volontaire devant le Conseil d’État doit être envisagée afin de défendre efficacement le permis d’urbanisme.

Chez Arius, nous pouvons vous épauler dans chaque étape de votre projet. Nous prenons toujours la peine d’identifier les réels besoins du client. Chaque dossier fait l’objet d’une analyse attentive afin de rencontrer les intérêts du client et nous veillons à vous conseiller avec discernement et transparence.


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