Que peut faire un riverain face à un projet urbanistique en Région wallonne ?
Mon voisin commence des travaux sans m’en avoir informé, que puis-je faire ? Puis-je m’opposer à la construction d’une annexe chez lui ? Et si un promoteur prévoit de bâtir dans ma rue, comment contester le projet ?
Lorsqu'un projet urbanistique est envisagé en Région wallonne, il passe par différentes étapes administratives permettant aux citoyens de faire valoir leurs observations et, le cas échéant, de contester l’autorisation délivrée.
Dans cet article, nous nous intéresserons aux réflexes à adopter et aux moyens d’action dont dispose le riverain qui souhaite contester un projet urbanistique soumis à l’octroi d’un permis d’urbanisme en Région wallonne.
I. La prise de connaissance du projet
Il existe plusieurs manières pour un riverain d’apprendre qu’un projet urbanistique est envisagé à proximité de son domicile, dont le constat du commencement des travaux ou les mesures de publicité prévues par la législation urbanistique wallonne (le Code de développement territorial – en abrégé, « CoDT »).
Dès qu’il est informé d’un projet en cours, il est important que le riverain soit diligent et se renseigne activement afin de recueillir l’ensemble des informations disponibles pour pouvoir formuler ses éventuelles observations.
Le constat des travaux
Un riverain peut observer des signes indiquant qu’un projet est en cours, bien qu’aucune information formelle ne lui ait été communiquée.
Il peut ainsi constater du « mouvement » sur le terrain, tel que l’arrivée d’engins de chantier, la prise de mesures, l’installation de structures temporaires ou encore l’apposition des chaises d’implantation.
Une fois ce constat établi, il est essentiel de faire preuve de diligence en s’interrogeant tout d’abord sur la nature et l’ampleur du projet ainsi que sur les éventuelles procédures en cours ou, le cas échéant, les autorisations déjà octroyées.
Il convient de noter que tous les actes et travaux ne nécessitent pas l’obtention d’un permis d’urbanisme préalable. L’article D.IV.4 du CoDT précise les cas où un permis est requis avant d’entamer des travaux tandis que le tableau de nomenclature repris à l’article R.IV.1-1 du CoDT reprend les actes et travaux exemptés.
Par exemple, la construction d’une maison ou le placement d’un escalier extérieur sont soumis à permis d’urbanisme tandis que la construction d’un abri de jardin ou d’un car-port sont, à certaines conditions, exonérés de permis.
Si les travaux semblent nécessiter l’obtention d’un permis et qu’aucune mesure de publicité n’a été organisée à la connaissance du riverain, il est recommandé de prendre contact avec l’administration communale pour clarifier la situation.
A l’inverse, si le projet ne nécessite pas de permis d’urbanisme et que des nuisances peuvent être occasionnées par les actes et travaux réalisés, à défaut de recours organisé, la seule option ouverte au riverain importuné est d’invoquer ses droits civils, et éventuellement dénoncer un trouble anormal de voisinage, le cas échéant, devant le juge judiciaire.
Les mesures de publicité
Lorsqu’un permis d’urbanisme est sollicité, le CoDT impose une certaine publicité. Selon les cas, cela peut se matérialiser par l’affichage, sur le site concerné à front de voirie :
d’un avis d’enquête publique ou d’annonce de projet, lorsqu’elle est requise
d’un avis indiquant l’octroi du permis
Le droit d’accès à l’information environnementale
Les riverains ont le droit d’accéder aux documents administratifs relatifs au projet en faisant la demande à l’administration communale concernée.
Ils peuvent consulter les plans, la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement et autres documents constituant la demande de permis afin d’analyser l’impact du projet sur leur cadre de vie et l’environnement.
Ces informations peuvent être obtenues en les consultant sur place, gratuitement, ou en demandant une copie des documents concernés, par courrier ou par voie électronique. L’administration est en principe tenue de communiquer ces éléments à première demande et, en tout cas, dans un délai d’un mois.
Ce droit peut toutefois être limité dans certaines conditions, notamment dans le cas où la divulgation de l’information porterait atteinte à des droits de propriété intellectuelle.
Les avis indiquent les horaires et l’adresse à laquelle le dossier relatif à la demande de permis est consultable.
II. La réclamation : faire valoir ses observations
Procédure
En fonction des spécificités du projet, celui-ci peut être soumis à enquête publique ou annonce de projet.
Il s’agit d’une consultation du public permettant aux citoyens de formuler leurs avis (observations ou objections) sur un projet (positifs ou négatifs) et d’éclairer l’autorité compétente amenée à se prononcer sur la demande de permis qui lui est soumise.
Dans ce cadre, les riverains sont invités à communiquer une réclamation (un courrier contenant l’ensemble de leurs observations).
Qui ?
Toute personne concernée par le projet ou intéressée par celui-ci peut soumettre une réclamation.
Comment ?
Par écrit daté et signé (courrier postal, recommandé ou ordinaire, ou par e-mail), en main propre à l’administration communale ou verbalement (si enquête publique et sur rendez-vous).
Délais ?
La durée de la consultation du public pour les permis d’urbanisme est de 15 jours (ce délai passe à 30 jours en cas de création ou modification de voiries). Il s’agit donc d’agir avec une certaine célérité.
Contenu ?
Bien qu’aucun format ne soit imposé, une réclamation efficace doit être claire, argumentée et structurée. Contenu conseillé :
1. Informations de base
Coordonnées complètes (nom, adresse, contact)
Référence du projet (si connue)
2. Partie descriptive (factuelle)
Contexte : lien entre le projet et la situation personnelle Ex. : proximité du logement
Situation urbanistique du bien Ex. : plan de secteur, zone d’aléa d’inondation, schéma communal...
Environnement bâti ou naturel dans lequel s’inscrit le projet
3. Partie argumentative (observations)
Éléments problématiques ou irréguliers dans le dossier Ex. : dérogations non motivées, lacunes techniques
Nuisances potentielles Ex. : perte de vue, ensoleillement, bruit, mobilité, risques d’inondation, etc
4. Conseils pratiques
Appuyer les arguments par des références juridiques Ex. : dispositions légales applicables ou violées, articles du CoDT
Joindre des documents utiles Ex. : extraits de plans (WalOnMap, dossier communal), photos, schémas, projections d’ombre…
III. Suivi et vigilance
Une fois la réclamation déposée, il s’agit de rester attentif et vigilant quant à l’évolution du dossier, notamment en s’informant auprès de la commune afin de suivre les décisions des autorités compétentes.
IV. Contester la décision
Dans le cas où le permis est octroyé, le riverain, en tant que tiers à la décision d’urbanisme, dispose de différentes voies de recours devant les juridictions administratives et judiciaires.
Recours devant le Conseil d’Etat
Le Conseil d’État est la plus haute juridiction administrative qui peut être saisie pour contester la légalité d’un permis d’urbanisme délivré par une autorité communale ou régionale.
Le recours devant le Conseil d’État peut permettre l’annulation du permis d’urbanisme et constitue ainsi la voie « naturelle » pour empêcher la réalisation d’un projet de construction.
Le recours peut être introduit en cas d’irrégularité dans la procédure administrative, de défaut dans la motivation du permis ou d’erreur manifeste d’appréciation de la part de l’autorité.
Notons que ce recours ne permet pas de remettre en cause l’opportunité du projet, le Conseil d’Etat n’étant pas compétent pour se substituer à l’appréciation de l’autorité.
Les règles de procédure sont fixées par les lois coordonnées sur le Conseil d’Etat ainsi que l’arrêté du régent déterminant la procédure. Un vademecum simplifié, à destination des citoyens, est disponible sur le site du Conseil d’Etat.
Recours en annulation
Objet : Le recours en annulation vise à faire annuler l’acte attaqué. L’acte attaqué est donc la décision d’octroi du permis d’urbanisme.
Procédure : La requête en annulation doit être introduite dans un délai de 60 jours à dater de la notification ou de la prise de connaissance de la décision.
La requête doit répondre à un certain formalisme. Il est donc important de s’assurer de l’introduire dans le délai imparti et d’y renseigner l’ensemble des éléments requis par la procédure.
Effets : Si le permis est annulé par le Conseil d’Etat, cette annulation opère avec effet rétroactif. Cela signifie que si les travaux ont déjà été réalisés, ils ne seront plus couverts par un permis et seront donc irréguliers.
Outre le droit à une indemnité éventuelle, la suite de la procédure pourrait aboutir à une nouvelle décision de l’autorité, une nouvelle demande de permis ou une remise en état des lieux.
ATTENTION : l’introduction du recours n’a pas d’effet suspensif, autrement dit il ne suspend pas l’exécution du permis d’urbanisme. Pour empêcher la mise en œuvre des travaux, une demande de suspension (éventuellement d’extrême urgence) doit être introduite en parallèle.
Demande de suspension (d’extrême urgence)
Objet : Une demande de suspension vise à suspendre le permis, c’est à dire à bloquer temporairement l’exécution du permis, en attendant que le Conseil d’État statue sur le recours en annulation. Elle doit être accompagnée (ou suivie rapidement) d’un recours en annulation.
Procédure : Cette demande peut être introduite, à tout moment, à condition notamment de démontrer l’urgence : définie par la jurisprudence du Conseil d’Etat comme un péril imminent et grave Ex. : travaux sur le point de commencer, atteinte au cadre de vie, à l’environnement, etc.
En cas d’extrême urgence, c’est-à-dire une urgence incompatible avec le traitement d’une procédure de suspension « classique », une procédure accélérée peut être engagée, à condition de démontrer :
l’urgence de traiter l’affaire dans un délai égal ou inférieur à 15 jours (c’est-à-dire démontrer que les inconvénients seront engendrés dans ce délai)
une diligence particulière de la part du requérant Ex. : avoir réagi immédiatement après avoir pris connaissance du début imminent des travaux
ATTENTION : La jurisprudence considère généralement que la demande de suspension d’extrême urgence doit être introduite dans un délai de 10 jours maximum à compter de l’élément qui révèle l’imminence du péril Ex. : mise en œuvre du permis ou début annoncé des travaux.
Action devant le Juge judiciaire
Lorsque le projet entraîne des nuisances, le riverain peut dans certains cas être envisager la voie judiciaire, notamment lorsque le projet engendre des troubles de voisinage, une atteinte à ses droits subjectifs ou son droit de propriété.
Si la procédure devant le juge judiciaire ne permet pas d’annuler le permis d’urbanisme, le juge pourra tout de même se prononcer sur la légalité du permis et éventuellement :
prononcer l’arrêt des travaux (éventuellement à titre de mesure provisoire en attendant l’issue au fond ou l’arrêt d’annulation du Conseil d’Etat)
ordonner une réparation ou autres mesures compensatoires, telle qu’une indemnisation
Conseils pratiques
Il est essentiel de se renseigner et, le cas échéant, d’agir sans tarder dès qu’un projet semble en cours à proximité de votre domicile. Une consultation préventive avec un avocat peut s’avérer précieuse : il pourra vous orienter efficacement selon les particularités de la situation. Dans certains cas, une réaction rapide permet d’éviter des recours longs et complexes.
Chez Arius, nous prenons la peine d’identifier vos réels besoins. Chaque dossier fait l’objet d’une analyse attentive afin de privilégier le dialogue lorsque cela est possible et dans l’intérêt du client (par ex. lorsque les nuisances peuvent être réduites par des ajustements au projet). L’objectif est toujours de trouver la solution la plus adaptée à vos besoins, et nous veillons à vous conseiller avec discernement.